Dans les champs de Flandre, les coquelicots fleurissent
Entre les croix qui, une rangée après l'autre,
Marquent notre place ; et dans le ciel,
Les alouettes, chantant valeureusement encore, sillonnent,
À peine audibles parmi les canons qui tonnent.
Nous, les Morts, il y a quelques jours encore,
Nous vivions, goûtions l'aurore, contemplions les couchers de soleil,
Nous aimions et étions aimés ; aujourd'hui, nous voici gisant
Dans les champs de Flandre.
Reprenez notre combat contre l'ennemi :
Nos bras meurtris vous tendent le flambeau,
À vous toujours de le porter bien haut.
Si vous nous laissez tomber, nous qui mourons,
Nous ne trouverons pas le repos, bien que les coquelicots fleurissent
Dans les champs de Flandre.
Au printemps 1915, il fait partie des troupes engagées dans la deuxième bataille d'Ypres, ville belge située en Flandre, victimes de l'une des premières attaques chimiques lancées par l'armée allemande. De fait, le 22 avril 1915, les positions tenues par les forces canadiennes sont attaquées à la bertholite (chlore à l'état gazeux). Les forces allemandes ne parviennent toutefois pas à enfoncer les lignes de défense, malgré deux semaines d'intenses combats.
Dans une lettre à sa mère, McCrae qualifie la situation de « cauchemardesque » : « Pendant dix-sept jours et dix-sept nuits, nul d'entre nous n'a eu la chance de pouvoir enlever ses vêtements ou même de se déchausser, ou alors de façon très exceptionnelle. Pendant tout le temps où j'ai été éveillé, les bruits d'obus et de fusils ne nous ont jamais accordé plus de 60 secondes de répit… avec toujours dans un coin d'esprit la vision des morts, des blessés, des mutilés, et la terrible crainte de voir les lignes de défense lâcher face à l'ennemi ».
C'est lors de cette bataille que McCrae est touché par la perte d'un frère d'armes, Alexis Helmer, tué le 2 mai. Il prend en charge les funérailles de son ami et constate alors à quel point les coquelicots poussent vite sur les tombes des soldats tombés lors de la bataille. Le lendemain, il compose le poème, assis à l'arrière d'une ambulance.
Les coquelicots évoqués dans le poème sont associés à la guerre depuis les guerres napoléoniennes, lorsqu'un écrivain de l'époque remarque pour la première fois qu'ils poussent volontiers sur les tombes des soldats. De fait, en Flandre, les décombres consécutifs aux batailles de la Première Guerre mondiale causaient à l'environnement des dommages engendrant une augmentation de la teneur en calcaire du sol, de sorte que le coquelicot constituait l'une des rares plantes capables de prospérer dans la région.
John Alexander McCrae, né à Guelph au Canada le 30 novembre 1872,
Mort à Wimereux (62) le28 janvier 1918.
Il est enterré dans le carré militaire de Wimereux - Côte d'Opale.
In Flanders fields the poppies grow
Between the crosses row on row,
That mark our place; and in the sky,
The larks, still bravely singing, fly,
Scarce heard amid the guns below.
We are the Dead. Short days ago
We lived, felt dawn, saw sunset glow,
Loved and were loved and now we lie
In Flanders fields.
Take up our quarrel with the foe:
To you from failing hands we throw
The torch; be yours to hold it high.
If ye break faith with us who die
We shall not sleep, though poppies grow
In Flanders fields.
Texte original de John McCrae
"In Flanders Fields" constitue, selon l'historien américain Paul Fussell, le poème le plus populaire de son temps. Dès que le texte est crédité à McCrae, ce dernier reçoit quantité de télégrammes et de lettres le félicitant pour son œuvre. Par la suite publié dans de multiples pays, il devient rapidement le symbole de l'héroïsme des soldats morts lors du premier conflit mondial ; il est traduit dans un nombre de langues tel que McCrae finit par déclarer qu'« il ne doit plus désormais manquer que le chinois ». Le message véhiculé par le poème touche alors aussi bien les soldats présents au front, qui y perçoivent une exhortation à respecter la mémoire de ceux qui sont tombés au champ d'honneur, que les personnes restées au pays, qui décèlent dans le texte un sens à donner au sacrifice de leurs proches au combat.
En juin 1915, McCrae est muté à Boulogne-sur-Mer, où il est promu au grade de lieutenant-colonel chargé des services médicaux à l'hôpital général canadien numéro 328.
Le 13 janvier 1918, il accède aux fonctions de colonel et devient médecin consultant des armées britanniques en France.
Mais les années de guerre l'ont usé. Il contracte une pneumonie, puis une méningite. Il meurt le 28 janvier 1918 à l'hôpital militaire de Wimereux, où il est enterré avec tous les honneurs militaires. Un recueil de ses œuvres, contenant In Flanders Fields, est publié l'année suivante.
La maison de naissance de McCrae à Guelph en Ontario a été transformée en un musée consacré à sa vie et à la guerre.